Photo: Philippe Derolland

Un retour sur piste, 4 ans après

Je n’ai jamais vu la vie comme quelque chose de linéaire. Certains aiment bien créer des cases pour nous y placer et considèrent qu’à 31 ans, après 4 ans sans compétition sur piste, on est un retraité. Certaines barrières physiques existent bel et bien, dans le sport comme ailleurs. Mais pas à 31 ans. Pas encore en tout cas. Tout est question de motivation, d’envie et de plaisir, sous la contrainte du temps qui passe j’en conviens. Après un printemps de courses sur route que certains appellent parfois à juste titre “courses à fromage” ou “courses populaires”, il était grand temps de revenir sur le tartan. La piste c’est bel et bien ce qu’il y a de plus fondamental pour les puristes. C’est la confrontation à sa valeur intrinsèque et ça révèle sa vraie nature. On ne peut pas trop s’excuser ou faire le beau; on court, on regarde son résultat et puis on sait. On travaille son style, on fait la chasse au superflu et on essaye de voler, de se faire grand et de garder de la fréquence de foulée.

En ce (très) chaud vendredi soir (28° vers 23 h), je suis arrivé tel un débutant sur la piste d’Ambilly (FRA), à la frontière franco-suisse pour un 5000 m. Le ventre noué, la peau transpirante et la bouche sèche. Ca fait rêver. Avec une première question en tête, quel est en fait mon objectif? Ah oui moins de 15’30, minima pour les Suisses. Allé disons moins de 15′. Pas trop d’idée en fait. Puis d’autres, la chaleur allait-elle gagner? Devais-je mettre mes pointes (je ne les avais pas prises, réponse facile)? Qui allait-il y avoir? Avais-je envie de courir en fait (celle-là aussi elle est facile)?

L’échauffement étant inévitable, j’y suis allé et j’ai essayé de me prendre au jeu. Dans ces moments d’avant course que je ne souhaite à personne (oui on les vit très mal parfois), il faut gérer. Une fois sur la ligne, tu n’as plus trop le choix et c’est tant mieux. Dès le coup de pistolet, tu est acteur et il faut y aller. Cette fois, l’apprenti acteur que j’étais s’est calé en 2ème position et a attendu que ça se passe. Passage au 1000 m en 3’00. Okay. Puis au 2000 m en 6’03. Okay, mais je me suis surpris à réfléchir à la souffrance que j’allais ressentir pour la suite. Mauvais calcul ça… Puis à 2600 m environ le premier abandonne (j’ai su après qu’il faisait office de lièvre) et je me suis fait passer par le 3ème qui voulait accélérer le rythme (à raison). Aussi paradoxal que ça puisse paraître, l’arrêt du lièvre m’a mis un coup au moral et j’ai pensé abandonner également. Après tout je ne jouais pas ma vie non plus… Mais heureusement je me suis accroché pour ne pas trop éroder le rythme. Passage au 3000 m en 9’03. Distancé à 5-10 m de la tête je suis ensuite revenu progressivement et à 800 m de l’arrivée ai pu prendre le lead en accélérant, confiant que je ne pouvais plus trop craquer à ce stade. C’est à 200 m de l’arrivée que j’ai entendu qu’on me criait “14’25, il te reste 200 m!”. Alors j’ai sprinté en me disant que 35” pour les derniers 200 m était tout à fait possible. A ma grande surprise, j’ai coupé la ligne en 14’55″65 (dernier 2000 m en 5’52, progressif) et remporté cette course qui a apporté quelques réponses. Ne pas trop se poser de question, c’est la moral de cette histoire.

J’ai désormais une base de travail et il y a clairement du temps à grappiller jusqu’au Championnats Suisses de Zürich. Sans réel spécifique sur piste et n’ayant pas mis les points, la résistance doit être travaillée et remettre le bleu de travail signifie dans mon cas me remettre dans la peau d’un coureur de demi-fond. Avec ce que cela comporte: de la vitesse, de la piste, des pointes au pied, des coups de pied au cul et de la confiance!

Lien vers les résultats d’Ambilly

 

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