Le fer, un métal précieux en course à pied!

 

Dans la plupart de nos sports d’endurance (athlétisme, vélo, aviron, natation…) le fer est l’un des paramètres essentiels mis en évidence lors de tests sanguins, pour expliquer une baisse de forme, de motivation et même de performance ainsi que l’apparition d’une fatigue chronique. Nous allons nous pencher sur les mécanismes d’assimilation, de dégradation et d’élimination ainsi que sur les méthodes permettant de ne pas manquer de ce précieux métal sur le plan physiologique.

Le fer à l’état de traces

Ce cation (ion positif  Fe++ / Fe+++ ) vital au fonctionnement de notre corps se trouve à de très petites doses dans notre organisme ; par contre, il est très mal assimilé puisque seuls 5 à 10% en moyenne du fer originaire de notre alimentation est effectivement utilisé, le reste étant à jamais perdu. On peut dire qu’un adulte a besoin d’environ 16 mg/jour de fer mais ces besoins peuvent être plus élevés chez les femmes enceintes ou les sportifs de haut niveau par exemple. Plus précisément, il convient de mettre en évidence deux « types » de fer : Premièrement, le fer héminique se trouvant principalement dans l’hémoglobine de la viande et du poisson, est d’origine animale. Il représente approximativement 10 à 15% de notre ration. Deuxièmement, le fer non héminique est, quant-à-lui, d’origine végétale et représente 85 à 90% de nos apports. Pourquoi est-il si important de faire la différence entre ces deux origines ? Tout simplement parce que leur taux d’absorption varie fortement : le fer « animal » est capté par notre corps à hauteur d’un atome sur quatre alors que le fer non héminique dois se contenter d’une assimilation bien plus faible, de l’ordre d’un atome sur 20, soit 5% seulement ! Cette constatation nous permet dès lors d’imaginer qu’un végétarien, même s’il mange beaucoup d’aliments riches en fer (lentilles, tofu et céréales divers), est peut-être plus à la merci d’un carence qu’un « carnivore » mangeant régulièrement de la viande rouge. L’athlétisme et la course en particulier sont des sports très gourmands en fer, il est donc intéressant de passer en revue les différents stades de la réduction de nos réserves.

Les différents stades de l’exil…

Comme noté plus haut, les coureurs, de demi-fond ou de fond de surcroit, sont une portion de la population particulièrement « à risque » ; Nous allons mettre en évidence trois stades successifs dans la déperdition en fer : tout d’abord, nos réserves diminuent sans que l’on s’en rende compte, le corps continue de fonctionner normalement et aucun signe n’est perceptible dans notre vie quotidienne comme à l’entraînement. Comme lorsque le plein de votre voiture se vide mais que celle-ci roule sans encombre. Le deuxième stade est plus « explicite » puisque des anomalies commencent à apparaître : une fatigue inhabituelle lors des entraînements, une baisse du système immunitaire face aux infections extérieures, des difficultés de concentrations, etc. Enfin, lors du 3ème stade, l’anémie à proprement parler intervient. Celle-ci se traduit par une importante modification des valeurs sanguines et par des symptômes visibles plus importants tels que fatigue intense, mauvaise capacité de récupération, maux de ventre, chute des cheveux, palpitations, problèmes respiratoires, souffle court, etc.

Course à pied vs fer : une lutte sans merci

Pourquoi notre sport favori est-il un assassin spécialisé dans la destruction du fer ? Même si elle n’est pas la seule à être impliquée, la course à pied est bel et bien dans le peloton de tête des sports impliqués.
Et ceci pour plusieurs raisons : premièrement, lors d’un effort, le sang quitte les intestins pour irriguer davantage les muscles actifs, ce qui a pour conséquence de fragiliser la paroi intestinale et ainsi créer des micros saignements vers l’intestin. Le sang infiltré va alors se mélanger aux selles et être perdu. La quantité de fer perdu par ce mécanisme serait de l’ordre de 6 mg/jour ! Deuxièmement, les chocs engendrés par la course à pied conduiraient à une destruction des globules rouges dans nos vaisseaux, ce qui induit une perte du fer présent à l’intérieur, qui s’évacue par les urines. On peut donc conclure (plusieurs études l’ont prouvé) que même si courir en descente ne sollicite que relativement peu l’appareil locomoteur, les pertes en fer dues aux chocs sont bien plus importantes qu’en montée ou sur un terrain plat. Troisièmement, l’accélération du débit sanguin dans les vaisseaux est également la cause de pertes significatives en fer. En effet, le fait de produire un effort physique, surtout si celui-ci est violent, augmente la pression et la vitesse du sang dans les vaisseaux ce qui a pour conséquence de détruire les globules rouges les moins résistants, surtout dans les vaisseaux les plus étroits.

Le café et le thé en ennemis du fer !

Certains aliments comme le café ou le thé inhibent l’absorption du fer par notre organisme. En effet, à l’échelle cellulaire, la caféine et la théine, entre autres, se fixent à l’atome de fer avant le complexe enzymatique, ce qui a pour conséquence de perdre cet atome pour les cellules…L’atome de fer n’est donc plus exploitable par notre organisme. Il est donc préférable de ne pas ingérer ses compléments de fer ou des aliments en contenant en même temps qu’une tasse de café ou de thé ! Cependant, ces deux boissons ne sont pas les seuls types d’aliments en concurrence avec le fer. Le paprika ainsi que le piment ont également un effet négatif sur son absorption.
Inversement, la vitamine C par exemple favorise une nettement meilleure assimilation du fer par l’organisme !

Comment prévenir ou remédier à un déficit en fer

La solution la plus classique pour faire remonter son taux de fer chez un sportif est la prise de compléments sous forme de gélules ou tablettes. Malheureusement, il semble que ce genre de méthode ne soit pas si miraculeuse que l’on pourrait le penser. En effet, lorsque le fer est dans notre organisme, il ne se trouve jamais à l’état d’ion libre ; il se présente lié à des sels tels que sulfates ou chlorures par exemple. Or lors d’un tel traitement, le fer ingéré se débarrasse de ces sels biologiques et devient extrêmement irritant pour les membranes, notamment celles de l’intestin. Ce qui explique que le fer ingéré de cette manière est parfois responsable de pertes (cf. plus haut). De plus, l’automédication de ces compléments engendre parfois des problèmes. Il est donc important de ne pas prendre n’importe quoi, et de se renseigner auprès d’un médecin du sport ou d’un diététicien par exemple.

D’un point de vue préventif, le fait d’utiliser des boissons d’effort (on peut simplement mélanger du jus d’orange avec de l’eau, c’est bien moins cher que les boissons dans le commerce et relativement similaire sur les effets) favorise l’irrigation des intestins dans le but de limiter les saignements à l’effort. Il est également conseillé de limiter la prise d’anti-inflammatoires en comprimé pour limiter l’irritation du tube digestif. De plus, manger beaucoup de fruits et légumes (important effet antioxydant) ainsi que des probiotiques neutraliserait les radicaux libres responsables d’irritations et de destructions cellulaires.

Nous avons vu que les mécanismes liés au fer sont très complexes ! Il est donc important de prévenir un éventuel déficit, plutôt que de réagir à une carence notamment en faisant régulièrement des prises de sang et en mangeant de manière équilibrée. Les coureurs peuvent, en outre, remplacer une séance de course par un entraînement de vélo ou de natation par exemple, bien moins « nocif » du point de vue des chocs, mais ceci n’est pas forcément équivalent. Le débat reste donc ouvert…

Alexandre Roch

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